Valeur locative: bientôt supprimée?
Depuis toujours, la valeur locative est sujette à controverse. Sa suppression a déjà été demandée par le Conseil fédéral, par le Parlement et par des initiatives populaires. À ce jour, aucune proposition n’a toutefois réussi à rallier une majorité.
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1. Qu’est-ce que la valeur locative?
Selon les lois fiscales suisses, l’occupation d’un appartement ou d’une maison par son propriétaire s’apparente à un revenu en nature imposable au titre de la valeur locative. La plupart des cantons se basent sur le prix des loyers du marché pour calculer cette valeur. La valeur locative correspond au montant que l’on pourrait percevoir en louant son logement. Le Tribunal fédéral stipule que la valeur locative doit correspondre à au moins 60% de la valeur locative du marché. Pour autant, les cantons disposent de toute latitude pour déterminer la valeur locative d’après leur propre méthode.
Le calcul de la valeur locative est souvent assez complexe et difficile à comprendre. Pour l’impôt fédéral direct, la valeur locative cantonale est reprise telle quelle si elle est jugée appropriée par l’administration fédérale. Dans le cas contraire, la valeur locative cantonale est majorée d’un certain pourcentage.
Dans la déclaration d’impôts, les intérêts hypothécaires et les frais d’entretien sont déductibles de la valeur locative. La déduction des intérêts hypothécaires est limitée: elle ne peut dépasser de plus de 50'000 francs le revenu brut de la fortune. Dans la fourchette de prix habituelle, cette limite n’est que rarement atteinte même par un propriétaire très endetté, car la valeur locative entre aussi dans le calcul du revenu brut de la fortune.
En ce qui concerne les frais d’entretien, tous les cantons donnent au contribuable la possibilité de choisir chaque année de déduire les frais effectifs ou un forfait. Dans la plupart des cantons, la déduction forfaitaire s’élève à 10% de la valeur locative pour les biens de moins de 10 ans et à 20% pour les plus anciens. Sont considérés comme frais d’entretien tous les investissements de préservation de la valeur et les coûts liés aux mesures d’économie d’énergie.
2. La valeur locative peut-elle être réduite?
La valeur locative gonfle le revenu imposable du montant que l’on pourrait encaisser si on louait son bien. Beaucoup de propriétaires la voient donc d’un mauvais œil. Les chances de diminuer ce revenu "fictif" sont assez réduites. Tel peut être le cas lors d’une sous-utilisation, à savoir lorsque certaines pièces restent inutilisées après le départ des enfants ou le décès du partenaire. Quelques rares cantons admettent les déductions pour cas de rigueur, par exemple lorsque la personne dispose d’un très faible revenu et patrimoine.
En règle générale, l’administration se montre réfractaire à beaucoup d’arguments. Il faut généralement présenter un cas très sérieux, tel qu’enregistrement incorrect des données-clés du bien ou réduction de la valeur vénale en raison de nuisances sonores liées au trafic routier, ferroviaire ou aérien.
Une objection doit être solidement motivée et, en principe, étayée par une expertise. Vérifiez soigneusement quel type d’expertise émanant de quels experts est accepté par l’administration fiscale. Cette démarche sera sans doute utile pour trouver un arrangement. À défaut, et si vous souhaitez poursuivre la procédure, il vous faudra probablement saisir le tribunal, moyennant des frais et une issue incertaine.
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3. La valeur locative va-t-elle être supprimée?
En août 2018, le Parlement a de nouveau tenté de supprimer la valeur locative. À ce jour, le Conseil national et le Conseil des États ont réussi à se mettre d’accord sur les points suivants:
- À l’avenir, la valeur locative des biens immobiliers à usage personnel occupés au titre de domicile principal sera supprimée.
- Les frais d’entretien, d’assurance et de gestion ne peuvent être déduits ni au niveau fédéral ni au niveau cantonal.
- Au niveau fédéral, il n’est plus possible non plus de faire valoir les déductions pour économies d’énergie et frais de démolition. Les cantons peuvent continuer à faire valoir ces déductions (frais de démolition illimités dans le temps, mesures d’économies d’énergie limitées dans le temps au sens de la loi sur le CO2 du 25 septembre 2020).
- Les coûts de conservation des monuments historiques demeurent déductibles aux niveaux fédéral et cantonal.
- Les personnes qui font l’acquisition de leur premier bien immobilier sont autorisées à déduire les intérêts passifs pendant 10 ans: jusqu’à 10'000 francs par année pour les conjoints, jusqu’à 5'000 francs par année pour les autres contribuables. Pendant ces 10 ans, la déduction des intérêts passifs diminue chaque année.
Les points suivants font encore l’objet de contestations entre le Conseil national et le Conseil des États:
- Le Conseil national souhaite supprimer la valeur locative sur les logements de vacances, tandis que le Conseil des États souhaite la conserver. Le Conseil des États craint, de la part des cantons qui comptent beaucoup de logements de vacances, une forte pression susceptible d’entraîner un rejet de l’objet aux urnes. Le Conseil national envisage donc la possibilité de prélever un impôt foncier sur les logements de vacances.
- Le Conseil national pense que la déduction maximale des intérêts hypothécaires ne doit pas excéder 40% du rendement imposable de la fortune. Le Conseil des États souhaite fixer ce pourcentage à 70%.
Même si le Parlement arrive à s’entendre sur une variante de la réforme, reste à savoir si et quand la valeur locative sera abolie. Un référendum contre cet objet pourrait bien être proposé. Comme à plusieurs reprises par le passé, une votation populaire constituerait un obstacle de taille à un changement de système dans l’imposition de la propriété du logement.
4. Qui seraient les gagnants en cas de suppression de la valeur locative?
Si la somme des intérêts hypothécaires et des frais d’entretien est supérieure à la valeur locative du bien, selon les règles d’imposition actuelles, la facture fiscale du propriétaire baisse. Dans le cas contraire, celui-ci paie plus d’impôts que s’il ne possédait pas de logement à usage propre. Ce cas de figure se présente lorsque les taux d’intérêt sont plutôt bas. Avec un taux hypothécaire de 2,5% et en tant que propriétaire, le contribuable du graphique ci-dessous paie chaque année 1120 francs d’impôts supplémentaires. Si le prêt hypothécaire ne s’élève qu’à 200'000 francs au lieu de 800'000 francs, le propriétaire de la maison de notre exemple paie même près de 5000 francs d’impôts en plus chaque année.
Influence de la valeur locative sur l’impôt sur le revenu
Exemple: bien immobilier d’une valeur vénale d’un million de francs, hypothèque de plus de 800'000 francs à un taux de 2%, taux marginal d’imposition 35%.
Il n’est pas clair pour l’heure si l’abolition de la valeur locative entraînerait aussi la suppression des possibilités de déduction (taux hypothécaires, frais d’entretien). Dans tous les cas, les propriétaires fonciers qui ont amorti une grande partie ou la totalité de leur hypothèque et qui ne font aucun investissement important dans l’entretien de leur bien profiteraient d’un changement de système. Avec le système fiscal actuel, ils sont fortement désavantagés, car ils ne peuvent pratiquement rien déduire de la valeur locative.